Avis co-signé par 31 associations de patientEs issues des contre le sida, contre le cancer, pour la santé sexuelle et les droits des LGBTQI+ : Les ActupienNEs, Actions Traitements, Afrique Avenir, Afrique Arc-En-Ciel Paris IDF AAEC, Bi’Cause, Centre LGBT ADHEOS, Centre LGBT Côte d’Azur, Centre LGBTI de Touraine, Centre LGBTQI+ Paris IDF, COREVIH Haut de France, COREVIH Ile de France Sud, COREVIH Paca Ouest Corse, Le Crips IDF, Le Crips Sud, ELCS, ENIPSE, l’Inter-LGBT, HF Prévention, Homoboulot, Lesbian and Gay Pride de Lyon, Pari-T, Le Patchwork des Noms, Le Planning Familial, Perspectives Contre Le Cancer, Les Petits Bonheurs, Les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence – Couvent de Paname, Les Séropotes, Sida Info Service, Sol En Si, Turbulence MLV.
Envoyé via le formulaire de la consultation publique de la HAS (https://www.has-sante.fr/jcms/p_3116022/fr/consultation-publique-recommandation-vaccinale-sur-l-elargissement-de-la-vaccination-contre-les-papillomavirus-aux-garcons#toc_1_6) le lundi 25 novembre 2019.
Comme nous l’expliquions déjà dans un courrier daté du 24 septembre 2018 à l’attention du Comité Technique des Vaccination et de sa présidente d’alors, Mme Elisabeth Bouvet, propos réitérés dans la tribune interassociative du 9 mai 2019 , rassemblant 46 signataires, dont Les ActupienNEs ont été à l’initiative, sans réponse de la part de la HAS, notre position sur la vaccination universelle se base sur plusieurs constations, à la suite desquelles suivent nos conclusions sur l’avis provisoire de la HAS.
Les pathologies causées par le papillomavirus humain ont un poids important sur la santé de la population française : 5 à 10 % de tous les cancers en France sont causés par ce virus toutes localisations confondues (utérus, anus, pénis, vulve, gorge, etc.). Outre les cancers, les verrues génitales, aussi appelées condylomes, pèsent sur les vies, compte tenu de leur caractère récidivant et des opérations invasives, douloureuses, répétées, à subir quand ceux-ci sont internes (utérus, anus).
Les personnes séropositifVEs au VIH plus touchées
La
prévalence des HPV chez les séropositifVEs est bien plus grande que chez les
séronégatifVEs. Les défenses immunitaires amoindries n’aident pas à la
clearance, c’est-à-dire à l’élimination du virus des tissus. Pour exemple, chez
les personnes séropositives, trois quarts des femmes, la moitié des hommes
hétérosexuels et presque tous les gays sont porteurs de ce virus au niveau
anal.
Les
séropositifVEs développent plus facilement des condylomes et ces condylomes
sont beaucoup plus envahissants. A peu près 1 séropositifVEs sur 4 développe
des condylomes. Une fois traités les condylomes ont un risque important de
récidives.
L’espérance
de vie des personnes séropositifVEs a augmenté pour atteindre celle de la
population générale grâce à l’arrivée des traitements antirétroviraux. D’autres
pathologies se greffent à l’infection VIH, dont les cancers. Une personne
porteuse du VIH a un risque plus fort de développer certains cancers.
Le
cancer de l’anus est un cancer rare ayant une incidence annuelle de 1,5 pour
100 000 personnes dans la population générale. Les personnes séropositives ont un sur-risque estimé à 29 fois celui de
la population générale. Le sous-groupe le plus à risque est celui des gays
avec une incidence annuelle de 75 à
137 cancers pour 100 000 personne, soit 30 à 100 fois celle de la
population. Par ailleurs, son âge de survenue est plus précoce en cas de
séropositivité (45 ans contre 62 ans). Le cancer de l’anus est le 3e cancer
chez les hommes et le 7e chez les femmes séropositives.
Chez les femmes séropos
Les femmes séropos nées avec un utérus ont deux à six fois plus de risque de développer un cancer du col de l’utérus compte tenu de la baisse de l’immunité. Aussi le diagnostic de cancer du col est posé 10 ans plus tôt chez les femmes séropositives que chez les femmes séronégatives.
Les femmes trans séropositives très exposées
Peu
de données sont présentes dans la littérature scientifique sur les personnes
trans, étant pourtant une population très touchée par le VIH.
Bien
qu’on ne puisse pas comparer des données de cohortes aussi facilement, les 34%
de présence de lésions anales chez les HSH séropositifs de la cohorte de
l’hôpital Bichat sont bien loin des 73% de lésions anales présentes chez les
femmes trans séropositives de la cohorte transgenre M→F de l’hôpital Ambroise
Paré présentées à la conférence Afravih 2012. Il y a plus qu’un facteur deux.
En
plus des HSH et des personnes séropositives, les femmes trans sont donc très touchées par les pathologies liées aux
HPV, qu’elles soient séropositives ou non. Du fait de leur plus grande
précarité, de leur non accès aux droits sociaux, de la violence qu’elles
subissent, les femmes trans ont plus de difficulté à rentrer dans le système de
soin et donc y arrivent avec une pathologie aggravée. Par ailleurs un grand
nombre de femmes trans exercent le travail du sexe et rencontrent alors plus
fréquemment des souches de HPV, en raison du nombre de partenaire élevé.
Chez les lesbiennes
Les lesbiennes ont moins tendance à réaliser un suivi gynécologique, parfois à cause de mauvaises expériences avec ces praticienNEs. Elles se sentent moins concernées par l’infection à papillomavirus, à l’origine de la majeure partie des cancers du col de l’utérus. Mais ce n’est pas parce les rapports sexuels vaginaux avec les hommes cisgenres ne sont pas pratiqués que l’infection à papillomavirus n’est pas possible. Les contacts digitaux et uro-génitaux peuvent également transmettre l’infection. Une étude anglaise a montré que les lesbiennes étaient dix fois moins nombreuses à pratiquer un test dans les trois ans, alors que l’étude concluait qu’elles étaient autant à risque de développer un cancer du col que les femmes hétérosexuelles.
La trop faible couverture vaccinale française
Il a été clairement démontré l’efficacité de des vaccins Gardasil® et Cervarix® contre les lésions dues aux HPV chez les filles. En Australie grâce à une vaccination réalisée à l’école et chez le médecin généraliste, il a été observé en 2011 la quasi disparition des condylomes chez femmes de moins de 21 ans. Mais en France, la couverture vaccinale est très faible et recule. En 2009 la couverture vaccinale des filles de 14-16 ans ayant reçu un schéma complet en 3 doses était estimée à 31%, en 2012 elle était de 22,9 %. Ceci est dû à plusieurs facteurs dont des craintes d’effets secondaires largement médiatisés, craintes que des études ont invalidées. Le fait que l’activité sexuelle de la jeune fille soit mentionnée dans les premières recommandations de 2007 où la vaccination commençait à 14 ans n’a pas aidé. Pour pallier à cela, les recommandations ont changé en 2013 en abaissant l’âge de la vaccination à l’âge actuel de 11 ans, ce qui a permis de retirer la mention d’activité sexuelle. Enfin un dernier facteur est celui du vaccin exclusivement réservé aux filles. La sexualisation de ce vaccin ne participe pas à son adhésion par la population. Derrière cette vaccination des filles uniquement, il y a l’idée que les hommes seront protégés indirectement par les femmes vaccinées lorsqu’elles étaient jeunes filles. Cette idée fonctionne quand la couverture vaccinale des jeunes filles est importante, ainsi une immunité de groupe apparaît.
Les gains d’une vaccination des garçons en plus des filles
Face
à la faible couverture vaccinale française, une remobilisation pour inciter à
ce que les jeunes filles soient vaccinées ne sera pas suffisante pour constater
une amélioration. La seule option possible est d’augmenter la population à
vacciner, c’est-à-dire de vacciner également les garçons.
Par
ailleurs d’un point de vue éthique, les hommes ne peuvent pas se protéger
aujourd’hui et ne sont pas protégés. La situation actuelle fait reposer la
responsabilité de la prévention seulement sur les filles, sachant que l’on
parle d’une IST qui touche les deux sexes. Vacciner les garçons désexualisera
la vaccination.
Recommandation de vaccination pour les HSH de moins de 26 ans – Les HSH non protégés contre les HPV
La protection des hommes de manière indirecte par les femmes oublie complètement la protection des gays et bi. C’est pour cela qu’en février 2016, le Haut Conseil en Santé Publique a recommandé qu’un accès au vaccin anti-HPV soit proposé dans les CeGIDD et dans les centres de vaccination aux hommes de moins de 26 ans qui ont des relations sexuelles avec d’autres hommes. Mais cette recommandation est vaine, car elle implique que les gays et les bi se sachant concernés par une recommandation aillent se faire vacciner de leur propre initiative. Il est rare en effet qu’un gay ou bi parle de son orientation sexuelle à un médecin, qui plus est quand il est adolescent auprès de son médecin de famille. De plus, on sait que la vaccination a sa plus grande efficacité quand la personne vaccinée n’a pas encore rencontré de virus HPV, c’est-à-dire quand elle n’a pas encore eu de rapport sexuel. Ainsi, il faudrait vacciner les gays et bi au cours de leur plus jeune âge. Un argument de plus pour vacciner tous les garçons au même âge que les filles. La recommandation le sait, c’est pour cela qu’elle précise « le bénéfice de cette vaccination sera d’autant plus important que le début de l’activité sexuelle sera récent et que le nombre de partenaires passés sera faible ». De plus, les centres de vaccination n’ont pas reçu de budget permettant d’acheter les vaccins. Ces centres n’en ont donc pas dans la pratique.
En tant qu’associations de patientEs, nous revendiquons :
- La mise en place au plus vite de la
vaccination universelle, non genrée, pour touTEs, contre le HPV, quel que soit
son genre, son sexe ou son orientation sexuelle, de 11 à 14 ans, avec un
rattrapage jusqu’à 19 ans, dans le sillage des recommandations de la stratégie nationale de santé sexuelle, du Conseil
Nationale du Sida, plusieurs PRS2 de régions, de l’Académie de Médecine.
- Le remboursement de la vaccination à 100%, au
lieu de 65% actuellement, pour lutter contre les freins liés à la vulnérabilité
économique, dans le même sens que l’avis de l’Ordre des Pharmaciens en 2019 et
du Comité d’orientation de la concertation citoyenne sur la
vaccination présidé par le Pr Fisher en 2016.
- La révision à la baisse du prix initial du
vaccin Gardasil9, d’autant plus que sa cible sera élargie et qu’il est source de
nombreux renoncements à la vaccination dû aux restes à charge importants dans
un schéma à 2 ou 3 doses.
- Maintenir et renforcer les campagnes de
prévention grand public et communautaires, par l’État et les agences régionales
de santé, avec la participation des associations dans leur élaboration.
- La sensibilisation des professionnelLEs de
santé, afin qu’ilELLEs proposent systématiquement la vaccination avec un schéma
complet, notamment à l’école.
- Renforcer, avec des financements propres, la
vaccination dans les espaces les plus accessibles à une vaccination gratuite : CEGIDD
et plannings familiaux, centres de vaccination, et étendre un accès au vaccin
gratuit dans les centres de santé.
Nous
ne pouvons plus attendre les retards successifs pris volontairement par la HAS
considérant le sujet comme non prioritaire depuis sa saisine par la ministre de
la santé et des solidarités en février 2018, elle-même qui tarda depuis son
entrée en fonction en juin 2017 à actionner son administration.
Nous
dénonçons la casse du principe d’expérimentation de la vaccination pour touTEs
dans 3 régions par un amendement du gouvernement voté au sein du PLFSS 2019 qui
le lie au rendu de l’avis de la HAS dont le retard a déjà occasionné le report
à la rentrée scolaire 2020 des campagnes de vaccination dans les collèges en
direction des garçons.
Ne pas établir maintenant
une vaccination universelle, c’est permettre les futurs cancers de demain
De plus, cela permettrait pour les populations minoritaires et marginalisées :
De sortir la vaccination
d’une vision binaire des genres et des corps, en ne faisant plus reposer la
responsabilité de la prévention seulement sur les filles cisgenres, sachant que
l’on parle d’une IST qui touche tout le monde.
De permettre aux hommes gays
et bis, très exposés à ce virus et n’étant pas habitués à un suivi régulier par
des urologues et des proctologues, d’être enfin protégés, puisque la seule
vaccination des filles ne protégeait indirectement que les garçons hétéros.
De permettre aux personnes
séropositives de mieux être protégées contre le papillomavirus en limitant sa
circulation par une bonne couverture vaccinale. Ces personnes sont elles aussi
très exposées au papillomavirus : sur-risque de développer un cancer de l’anus
estimé à 29 fois celui de la population générale ; 2 à 6 fois plus de risques
de développer un cancer du col de l’utérus pour les femmes séropos, avec un
diagnostic de cancer du col posé 10 ans plus tôt que chez les femmes
séronégatives.
De permettre aux personnes
trans et aux personnes intersexes d’être mieux protégées contre le
papillomavirus : en plus des gays et bis cisgenres et des personnes
séropositives, les personnes trans sont très touchées par ces pathologies,
qu’elles soient séropositives ou non, du fait de leur plus grande précarité, de
leur non accès aux droits sociaux et de la fin du remboursement de la prise en
charge gynéco des complications liées au HPV pour les hommes trans une fois
obtenu leur changement d’état civil.