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LycéenNEs et étudiantEs contaminéEs, un Sida qui se fiche des économies budgétaires du secteur public

A l’occasion de la journée de grève de la fonction publique, ce mardi 22 mai, Les ActupienNEs interrogent la volonté du gouvernement de répondre à l’urgence des contaminations au VIH et aux IST chez les jeunes. 

Les rapports se succèdent, études épidémiologiques annuelles, enquêtes de terrain et sondages d’opinions, les contaminations sont bien en hausse chez les jeunes : représentant désormais 11% des nouvelles découvertes de séropositivité, avec des IST  (vih, syphilis, gonocoque, et chlamydia) qui se concentrent pour 40% chez les jeunes et les diagnostics de séropositivité qui explosent en l’espace de 10 ans, triplant en nombre chez les jeunes gays et bi de 18 à 24 ans (x 2,7) (InVS). Les idées reçues sur le VIH/sida, la séropositivité et les personnes séropositives continuent à prospérer sur un terrain d’ignorance et de sous-information. 

Face à ce constat, 

Quelles actions sont menées dans les lycées ? La médecine scolaire ne reçoit pas les moyens suffisants pour être efficace. Le nombre de médecins scolaires est en grave recul, tombant à 1000 praticienNEs en 2016, à côté des 8000 infirmièrEs scolaires et ce secteur n’est pas valorisé dans les études de médecine.  Le rôle du médecin n’est pas mis en valeur dans l’organigramme administratif des lycées, sous la houlette des proviseurEs et passant derrière les équipes pédagogiques. Les 3h annuelles de séances d’informations sur la sexualité et la prévention du VIH et des IST, obligatoire dans les textes, mais loin d’être effectuées, ne sont pas intégrées dans le planning annuel des heures de cours des élèves, ce qui induit l’annulation de certains cours pour qu’elles aient eu lieu, provoquant une concurrence entre les professeurs et les médecins et infirmièrEs à l’avantage des premièrEs. 

Ce ne sont pas la DGS (Direction Générale de la Santé) en la personne de son directeur, le Dr Salomon, et le ministère de l’Education nationale, qui augureront un renforcement de la place de la médecine scolaire, faisant fi des rapports du Conseil Economique, Environnemental et Social, de l’Académie de médecine et des syndicats des médecins et infirmièrEs scolaires, puisque souhaitant une prise en main collective par les équipes administratives et pédagogiques sur la base du bénévolat, du volontarisme et de l’effet d’entrainement. 

La ministre de la Santé a annoncé la mise en place pour la rentrée de septembre 2018 d’un service sanitaire dans les lycées réalisé par les étudiantEs en médecine. Quelles formations sur le VIH, les IST, le vécu de la maladie, la prévention, seront faites avant d’envoyer ces étudiantEs auprès des élèves, alors que les connaissances sont déjà déficientes chez les jeunes de moins de 25ans, donc chez ces étudiantEs également ?    

Que dire de l’accès des moyens de prévention dans les établissements ? Si la mise à disposition de distributeurs de préservatifs est obligatoire depuis 2006 (suite à la circulaire relative à l’installation des distributeurs automatiques de préservatifs dans les lycées d’enseignement général et technologique et les lycées professionnels), cela reste assujetti à la volonté des proviseurEs. Sans préconisations du ministère de la santé sur le type de distributeurs, le prix des préservatifs et leurs qualités, chaque lycée fait selon ses envies, ses contraintes budgétaires, les recherches effectuées de sociétés et les négociations effectuées, aboutissant à une inégalité d’accès aux préservatifs entre les lycéenNEs sur tout le territoire. Nous attendons toujours le diagnostic réalisé par la Région Ile-de-France sur l’accessibilité de ces distributeurs qui devait sortir l’année dernière. Quel accès aux préservatifs internes (dit féminins) et aux digues dentaires alors que ces moyens de protection sont chers et peu accessibles, même en pharmacie?  

S’ajoutent à ces distributeurs, présents ou non, les difficultés souvent rencontrées par les médecins et infirmièrEs scolaires pour s’approvisionner en préservatifs et les mettre à disposition dans leurs bureaux. Passant commande auprès de leur ARS (Agence Régionale de Santé), c’est celle-ci qui décide du volume livré en fonction des priorités et des stocks disponibles. Combien de distributions non réalisées pour le 1er décembre, journée mondiale de lutte contre le sida, parce qu’en septembre les stocks sont déjà faibles et les commandes non honorées à la hauteur des besoins ? 

Quelles actions dans les universités, écoles, CFA ?

Si les médias et le mouvement social se concentrent sur les conséquences de la loi ORE quant à l’orientation des étudiantEs, votée en février, leurs débouchés et leur sélection par les universités, symbolisé par Parcoursup, il ne faut pas oublier les conséquences de cette loi sur les dispositifs de santé auprès des étudiantEs. 

En effet, la loi ORE consacre la fin des mutuelles étudiantes en intégrant ce public au régime général de la sécurité sociale. Si le constat était partagé d’un dispositif grippé à remanier, leur disparition pure et simple pose des questions sur l’avenir des opérations de prévention qu’elles réalisaient auprès du public étudiant. La contribution de chaque étudiantE passe de 217 € annuels pour la sécurité sociale étudiante à 90 € pour un forfait couvrant les frais d’actions de l’université en faveur de l’accompagnement sociale, sanitaire, culturel et sportif. Le budget alloué à la santé et à la prévention était déjà insuffisant avec les 217 € : les S(I)UMPPS (Service Interuniversitaire de Médecine Préventive et de Promotion de la Santé) sont contraints dans l’ampleur désirée de leurs actions de prévention, eu égard aux moyens alloués par chaque université, personnels en nombre insuffisant (temps plein et temps partiel), actions de dépistage sporadique par rapport aux besoin (7 séances en un an pour 75000 étudiantes pour un des S(I)UMPPS parisiens). Que deviendra ce budget en action de santé avec une contribution annuelle réduite de moitié et un élargissement de ses affectations, alors que même le rapporteur de la loi estimait ce montant de 90 € insuffisant ? 

Depuis 2017, les étudiantEs boursièrEs Franciliennes peuvent bénéficier d’une aide à la complémentaire santé réhaussée à 200 euros au lieu de 100 comme c’était le cas auparavant.

Sauf que cette aide du Conseil Régional est versée à condition que les ditEs étudiantEs s’affilient à l’opérateur Harmonie Mutuelle, opérateur qui a remporté l’appel à manifestation d’intérêt lancé par la région Ile-de-France par l’entremise de sa présidente, Mme Pécresse. Il importe de préciser qu’Harmonie Mutuelle ne propose pas d’offre de remboursement liée aux préoccupations spécifiques des étudiantEs et n’initie pas d’actions de proximité notamment en terme de prévention IST et VIH/sida. Ces modifications de délivrance de cette aide ne fait actuellement pas l’objet d’informations auprès des lycéenNEs et étudiantEs boursièrEs, pas même une mention dans le guide de l’étudiantE 2018 de manière à ce qu’ils elles puissent se repérer dans les démarches à effectuer une fois entrées à l’université.

Au vue de la précarité des conditions de vie étudiantes, plusieurs voix s’élèvent dont un rapport de l’IGAS (Inspection Générale des Affaires Sociales) pour mettre en œuvre dès à présent le tiers payant pour cette population, alors que l’actuelle ministre de la santé, Agnès Buzyn, avait décidé de suspendre son application généralisée, comme voulue initialement par Marisol Touraine, et émet maintenant l’hypothèse de la fin 2019 pour sa généralisation effective. Il est plus que temps que les étudiantEs aient accès à cette mesure de simplification de l’accès aux soins, notamment aux tests de dépistages des différentes IST. 

Suite à nos alertes auprès du ministère de l’enseignement supérieur, des rectorats, des secrétariats de lycées, des syndicats de personnels du secondaire et de l’enseignement supérieur, Les actupienNEs revendiquent : 

Pour les lycéenNEs:

– Des moyens réels donnés à la médecine et à l’infirmerie scolaire : la création de poste, un rôle et champ de compétences clarifiés au sein des établissements;

– une formation sur le VIH et les IST fournie à touTEs les étudiantEs effectuant un service sanitaire dans les lycées;

– la mise en place de distributeurs de préservatifs dans les lycées, sans oublier les préservatifs internes et les digues dentaires;

– le respect par les ARS des besoins des lycées en préservatifs;

– des préconisations du Ministère de la Santé et de Santé Publique France sur le type de distributeurs à commander;

– l’intégration des heures obligatoires d’informations sur la sexualité et la prévention sur le VIH et les IST dans le calendrier annuel des élèves.

Pour les étudiantEs et futurEs étudiantEs:

– l’information à touTES les (futurEs) étudiantEs boursièrES des conditions d’attribution de l’aide à la complémentaire santé de la Région Ile de France, sous condition de souscription unique à Harmonie Mutuelle, par le biais des lycées et des CROUS notamment;

– l’information à touTES les (futurEs) étudiantEs des changements induits par la loi ORE sur leur régime de sécurité sociale et les complémentaires santé;

–  la garantie de la mise en œuvre d’une réelle politique de prévention sur les campus auprès des étudiantEs par la Caisse Nationale d’Assurance Maladie, prenant en compte la diversité des publics, des sexualités, des contextes sociaux d’exposition aux risques, et adaptant en conséquence les modes d’intervention;

–  des moyens supplémentaires pour les S(I)UMPPS données par les universités pour réaliser leurs missions et organiser des interventions collectives sur la santé sexuelle et la prévention des IST. Ainsi qu’une extension budgétaire pour embaucher plus d’Etudiants Relais Santé chargéEs d’entreprendre des actions de prévention sur les campus en lien avec les S(I)UMPPS;

– la mise en œuvre du tiers-payant intégral pour toutEs les étudiantEs, public prioritaire comme peut l’autoriser l’Etat.

1  http://www.academie-medecine.fr/wp-content/uploads/2017/10/Rapport-m%C3%A9decine-scolaire-rapport-r%C3%A9vis%C3%A9-version-12-10-2017-1.pdf

2  Préconisation n°13 de l’avis du CESE http://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2018/2018_05_eleves_sante.pdf

3  http://www.education.gouv.fr/bo/2006/46/MENE0603070C.htm