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Avoir plus de 50 ans et vivre avec le VIH, ce n’est pas une sinécure !

Ce 1er décembre, comme chaque année depuis 1988, a lieu la « Journée Mondiale de Lutte Contre le sida », soit la 34éme. Pour rappel, la 1ère association de lutte contre le sida créée en 1983, “Vaincre le sida », a ouvert la voie à une constellation d’autres associations qui se sont armées pour permettre aux « malades du sida » de l’époque d’exister aux yeux de l’opinion publique et des instances sanitaires. Ces vies valaient moins que d’autres.

En effet, à cette époque, faute d’engagement de la part des gouvernements successifs, les « soldats » de la lutte contre le sida ont inventé l’aide aux malades, les soins palliatifs, l’aide au maintien à domicile avec l’intervention des auxiliaires de vie, infirmières, l’hospitalisation à domicile, les appartements de coordination thérapeutique, autant de dispositifs qui permettaient une prise en charge globale, combinant médical, social et santé mentale. 

Parmi ces « malades », nombreuxSES sont venuEs grossir les rangs des cimetières, d’autres sont toujours en vie mais à quel prix ? La normalisation, banalisation, chronicisation du VIH/sida, partant d’une bonne intention, a eu pour effet d’invisibiliser les survivantEs au point de les oublier, en dehors d’une charge virale indétectable, et de faire croire que tout va bien. 

Les ActupienNEs auront comme mot d’ordre en ce 1er décembre :

Avoir plus de 50 ans et vivre avec le VIH, ce n’est pas une sinécure !

En 2022, en France, 152 000 personnes vivent avec le VIH et plus de 50% ont plus de 50 ans.

L’étude pilote des ActupienNEs[1] ainsi que celles de la Maison de vie[2], de Septavih[3], du Corevih IDF nord[4], l’étude de cohorte FUNCRAIL[5] se rejoignent et décrivent les mêmes constats :

Constat n°1 : les séropositifs vieillissants sont plus touchés par la solitude, la précarité, des parcours de vie complexes ; et le réseau associatif sida joue un rôle important pour faire face à ces situations.

Constat n°2 : toujours hantés par la contamination (les participants en parlent systématiquement), son annonce, toujours la honte ; les personnes ayant eu un parcours migratoire ont plus de mal à parler de ce qui a mené à la contamination (explications floues et peu cohérentes) ; toujours beaucoup de rejet.

Constat n°3 : des personnes seules et isolées par peur, plus envie de se mettre en couple car c’est trop compliqué d’expliquer le VIH, le TasP, une vie avec le VIH à un nouveau partenaire ; préfèrent se renfermer ; une vie sexuelle très peu riche.

Constat n°4 : du mal à se projeter dans les vieux jours ; peur de l’avenir.

Constat n°5 : difficultés à faire valoir ses droits à la retraite, des démarches complexes pour des parcours de vie très hachés.

Constat n°6 : aucunement envie d’aller en EHPAD ; a déjà commencé à préparer sa mort (souhait de suicide assisté, contrat obsèques, organisation des funérailles, testament, donation).

Constat n°7 : sentiment d’une banalisation du sida, que le discours sur le VIH se concentre uniquement sur la PrEP et que les malades sont oubliés.

Constat n°8 : Suivi – écoute.

La qualité du suivi hospitalier est plébiscitée par tous les participants.  Restent les interrogations sur la périodicité du suivi et pour certains le sentiment de ne pas être écouté. Le choix d’un suivi uniquement hospitalier est souvent dû aux coûts. La coordination ville-hôpital reste un souci.

Constat n°9 : Coordination.

Même si les recommandations « Morlat » prévoient un partage du suivi entre la ville et l’hôpital, la réalité est plus compliquée. Le médecin traitant n’est privilégié que pour « les rhumes », les personnes ne le considèrent pas assez compétent pour le VIH alors que pour le suivi et la prévention des comorbidités il est des maillons essentiels. L’autre problème évoqué est le manque de coordination, si dans certains des cas elle existe, trop souvent c’est le patient qui fait le lien.

Constat n°10 : Bilan de synthèse.

Le vieillissement des malades et l’apparition des comorbidités plus courante qu’en population générale nous a fait poser la question « avez-vous fait un bilan de synthèse annuel à l’hôpital ? » Si les termes étaient inconnus, la réalité est qu’ils sont réalisés dans certaines villes systématiquement (Marseille et Lyon), et aléatoire dans d’autres (Paris, Nice, Grenoble, Annecy). Quant aux examens proposés, ils ne respectent pas toujours les recommandations du groupe d’experts dirigé par le professeur Morlat.

Constat n°11 : Les comorbidités.

A la question « avez-vous des comorbidités ? » sans étonnement nous avons retrouvé celles qui sont décrites dans les cohortes hospitalières ; pour tous et toutes la charge virale est contrôlée. Les comorbidités sont le principal souci des personnes interrogées, le VIH elles le connaissent, les comorbidités cependant sont un nouveau défi pour elles. Une meilleure information pour une observance optimale semble nécessaire. Le retour à un grand nombre de comprimés journaliers est aussi une peur et un ras le bol qui rappellent de mauvais souvenirs.

Constat n°12 : Les effets secondaires.

Les effets secondaires ressentis sont un sujet prégnant de tous les participants, la fatigue étant systématiquement évoquée. Même si tous reconnaissent que les nouvelles molécules sont moins toxiques et plus faciles à supporter, ils n’arrivent pas à se faire entendre par leurs infectiologues en général, ce qui entraîne des conséquences en termes d’observance.

Constat n°13 : L’observance.

Un sujet est apparu au cours des entretiens alors que nous ne l’avions pas prévu c’est : la non-observance. Le sujet est venu spontanément dans tous les groupes. A notre grand étonnement elle est très courante : elle représente à peu près 61 % des personnes qui en ont parlé spontanément.

Les raisons sont multiples : oublis simples, ras-le-bol, mais la raison la plus communément indiquée sont les effets secondaires ressentis qu’ils soient réels ou non.

Constat n°14 : L’allègement thérapeutique.

L’allègement thérapeutique est un enjeu en termes de polymédication. Les personnes interrogées commencent à en entendre parler et si dans certains cas il est proposé par l’infectiologue, certains le font de leur propre initiative.

 

On entend souvent que ce serait devenu une pathologie chronique mais reste qu’aujourd’hui toute primo-prescription ou changement d’antirétroviraux doit être effectuée par un médecin infectiologue hospitalier. Les médecins de ville ne pouvant que faire un renouvellement d’ordonnance, et qu’un suivi général des comorbidités doit être mené en coordination entre médecins de ville et hospitalier.

N’oublions pas que les plus de 50 ans représentent un cinquième des nouvelles découvertes de séropositivité chaque année et sont dépistés dans un état de santé dégradé, se présentant à plus de 70% avec des CD4 inférieurs à 500[6].

Les séropositifVEs vieillissantEs ne sont pas une catégorie de population qui vit à côté de la population « générale ». Ce sont aussi des diabétiques, des hypertenduEs, des cancéreusEs… avec un truc en plus. IlELLEs sont touchéEs par les mêmes maux, mais exacerbés.  

Il est temps que les pouvoirs publics s’intéressent sérieusement au sujet pour que :

Avoir plus de 50 ans et vivre avec le VIH, soit un peu plus une sinécure !

 

[1] Situation sociale, économique, affective et de santé des personnes séropositives au VIH vieillissantes, études menée par l’association Les ActupienNEs https://lesactupiennes.fr/rapport-final-de-letude-sur-le-vieillissement-des-personnes-vivant-avec-le-vih%ef%bf%bc

[2] Acte des rencontres de la maison de vie & Rapport qualité de vie& vieillissement avec le VIH (réalisé par Sethos)

[3] Prevalence and risk factors of frailty among adults living with HIV aged 70 years or older

[4] Dr Agnès Villemant, Corevih Ile de France Nord, Aude Belliard et Sarah Yvon, Sociologues au Cermes3 : Du vécu Biologique au vécu Biographique (entretiens avec les patients de l’hôpital Beaujon, Pontoise, Bichat et Delafontaine)

[5] Différents profils parmi les personnes âgées vivant avec le VIH selon leur âge chronologique et l’année du diagnostic du VIH : Etude de cohorte FUNCRAIL (GeSIDA 9817)

[6] Découvertes de séropositivité VIH chez les seniors en France, 2008-2016 – BEH 40-41 – 27 nov 2018

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